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Infolettre

PRÉSERVER DES ESPACES DE CRÉATION ABORDABLES DANS LE SECTEUR DES FAUBOURGS

L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a tenu une consultation publique entre janvier et avril 2019 en vue de la préparation d’un projet de Programme particulier d’urbanisme (PPU) par l’Arrondissement Ville-Marie pour le secteur des Faubourgs (1) .

Pour rappel, un PPU est un plan détaillé produit lorsqu’un secteur fait face ou prévoit faire face à des changements importants. Le PPU fixe des objectifs pour l’avenir et propose des mesures pour les atteindre, incluant de nouveaux règlements d’urbanisme, des aménagements publics améliorés, des programmes et des politiques (pour plus d’information sur un PPU, vous pouvez consulter le petit guide des programmes particuliers d’urbanismes à Montréal de L’OCPM).

Ateliers créatifs Montréal s’implique régulièrement dans ces temps de concertation afin de mieux faire connaître les enjeux liés aux ateliers d’artistes ainsi que les leviers qui favorisent leur implantation et leur rétention. En effet, la métropole montréalaise, comme bien d’autres villes à l’international, connait des phénomènes de gentrification qui poussent les artistes à quitter les quartiers qu’ils ont contribué à revaloriser de par leur présence. Pourtant la présence des artistes à Montréal contribue au développement économique et social de la ville. Pour donner quelques chiffres, le secteur des industries créatives et culturelles représentait en 2012 92 000 emplois et plus de 8,6 milliards de dollars en retombées économiques dans la région métropolitaine de Montréal (2) .

L’importance de la culture dans le développement territorial se vérifie dans le secteur des Faubourgs puisqu’en 2009, on dénombrait près de 7500 emplois et 250 entreprises du secteur créatif, aux profils très divers (architectes, designers, journalistes, communicateurs, artistes, artisans, auteurs, éditeurs, diffuseurs, producteurs, promoteurs, entrepreneurs et gens d'affaire etc.). Une étude menée par la CDEC Centre-Sud/ Plateau-Mont-Royal et la Société d’Investissement Sainte-Marie (SISM) en 2012 a permis de réactualiser ces chiffres. Et c’est une augmentation de 45% du nombre d’emplois dans le secteur de l’économie créative qui a été constatée entre 2009 et 2012 avec 10939 emplois et 459 entreprises dénombrés.

Au sein du secteur des Faubourgs, la rue Parthenais est sans nul doute un centre névralgique de création. Il faut dire qu’entre seulement deux coins de rue, se trouvent trois anciennes usines qui ont été réhabilitées pour y accueillir des ateliers d’artistes et autres organismes culturels. Soient 270 espaces de travail qui sont occupés à 80% par des artistes, designers, artisans, organismes culturels et entreprises créatives : l’édifice Grover, le Chat des artistes, projet d’Ateliers créatifs Montréal, et la coopérative d’habitation pour artistes visuels Lezarts. Cette concentration d’emplois créatifs a d’ailleurs conduit l’Arrondissement Ville-Marie à la reconnaître comme zone d’emploi, préservant ainsi la vocation des nombreux ateliers qui s’y trouvent (notamment celle de l’Édifice Grover qui était directement menacée en 2007).
L’étude menée par la CDEC Centre-Sud/ Plateau-Mont-Royal et la Société d’Investissement Sainte-Marie (SISM) a mis en évidence que la concentration d’espaces disponibles, adaptés aux usages des artistes, artisans et entreprises culturelles et abordables est l’élément majeur de la constitution du Pôle de création culturel des Faubourgs. Les entreprises culturelles et les créateurs installés dans le secteur des Faubourgs souhaitaient d’ailleurs demeurer dans le quartier, toujours selon cette même étude. Toutefois ces entrepreneurs mentionnaient que le premier besoin pour cela était de maintenir des prix de locations abordables.

Une des conditions indispensables au maintien et au développement de l’industrie culturelle est donc de pouvoir l’accueillir avec des espaces de travail adaptés, abordables et disponibles. Or répondre à cette offre était déjà considéré en 2013 comme de plus en plus difficile dans le secteur des Faubourgs et ce pour deux raisons : la gentrification du secteur et le manque de nouveaux espaces.

Nul doute que le processus de gentrification est toujours à l’œuvre et qu’il sera amplifié par les nombreux nouveaux projets résidentiels privés sur ce territoire. Rappelons que l’industrie culturelle est particulièrement vulnérable face à la spéculation immobilière et peu compétitive sur le marché de l’immobilier résidentiel ou commercial.

Les impacts négatifs de l’embourgeoisement du secteur des Faubourgs sont nombreux pour la présence d’ateliers d’artistes et d’artisans, nous pouvons notamment citer :

- l’augmentation des taxes foncières
- l’aggravation du manque de locaux disponibles et abordables
- la fragilisation des édifices à vocation artistique

Au regard des différents éléments présentés (l’importance des espaces de création dans les Faubourgs et les risques qui les menacent directement et rapidement), voici les recommandations qui ont été proposées par Ateliers créatifs Montréal :

- Inscrire la disponibilité d’espaces de création abordables dans les priorités du PPU du secteur des Faubourgs
- Arrimer un plan stratégique cohérent entre la Ville centre et l’Arrondissement Ville-Marie
- Travailler avec la Ville centre pour un taux réduit des taxes municipales pour les travailleurs culturels
- Protéger les zones d’emplois
- Développer d’autres Incitatifs pour préserver et développer des ateliers d’artistes abordables dans le secteur des Faubourgs


Les messages portés par notre organisation ont trouvé écho chez les membres de la commission et se retrouvent dans plusieurs recommandations de l’office de consultation publique de Montréal comme en témoignent ces deux extraits du rapport final :

P31 :
De plus, des participants notent qu’une menace plane sur les lieux de création du secteur et qu’il incombe à l’arrondissement de les protéger et de les consolider. La précarité de ces derniers repose principalement sur le fait qu’ils sont tributaires du marché immobilier privé. La hausse du prix des propriétés produit une hausse des taxes foncières qui conduit la plupart du temps à une augmentation des loyers des ateliers d’artistes et d’artisans. Dans cette perspective, il est recommandé d’inscrire comme priorité au PPU la disponibilité d’espaces de création abordables. Il est aussi suggéré d’adapter de façon innovante le cadre règlementaire et de mettre en place des mesures incitatives complémentaires.

P58
Il est d’abord recommandé à l’arrondissement de reconnaître la culture comme un moteur de développement économique dans le secteur. Des participants suggèrent d’augmenter les espaces de création disponibles et accessibles et favoriser la rétention et le recrutement de nouvelles entreprises culturelles. Certains proposent, par ailleurs, de recourir au zonage pour protéger les zones d’emploi et, en particulier, les espaces de création dans le secteur. Si ce règlement ne protège pas contre les hausses de prix des loyers, il constituerait néanmoins un levier efficace pour préserver les ateliers d’artistes de la concurrence avec l’immobilier résidentiel. Pour leur part, des participants regrettent de voir les anciennes industries manufacturières du secteur n’héberger que des fonctions mixtes résidentielles et commerciales, voire uniquement résidentielles. Y voyant une fragilisation de l’écosystème des quartiers et une occasion manquée de réaliser des milieux de vie complets, ils maintiennent que Montréal dispose de tous les ingrédients nécessaires – main-d’œuvre et espaces – pour devenir un phare en matière de ré industrialisation durable au Québec. Il ajoute que le secteur manufacturier peut être une source d’emplois de qualité et générer des retombées substantielles sur les autres secteurs économiques.

Nous suivrons avec attention la suite du processus! Une documentation très complète est disponible sur le site internet de l’OPCM, y sont notamment disponibles :
- le rapport final
- le rapport déposé par Ateliers créatifs Montréal


(1) le secteur des Faubourgs comprend au nord, le quartier résidentiel Centre-Sud et au sud, une zone déstructurée qui fait face à des changements importants, avec le départ de la brasserie Molson-Coors et le déménagement de la Maison de Radio-Canada
(2) Source : étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) intitulée Les industries créatives : catalyseurs de richesse et de rayonnement pour la métropole, 2013.